le 16 avril 2016.
Lorsque
l’on nait, sans le savoir, le destin nous a preparé un chemin.
Si tu
lis ce blog, il est fort probable que tu sois né(e) du côté droit, c’est-à-dire
du bon côté, ou alors tu t’es battu pour passer du mauvais côté pour finalement
arriver à vivre à droite.
Il y
a quelques années, quand j’imaginais mon arrivée sur le continent Africain, je
me voyais devenir volontaire pour des oeuvres caritatives. Peut-être à cause de
cette culpabilité blanche inconsciente, ou du fantôme des dégats de la
colonization, occasionnés par ”mes” compatriotes, je me suis toujours vue
partir pour aider, pour reconstruire, pour soutenir les autres. Etre
bienveillante et aider mon prochain est quelque chose qui me tient à coeur, et
grandit au fil du temps.
Or,
avec le temps et avec la façon dont la vie se déroule, je suis finalement
arrivée en Afrique pour enseigner aux enfants privilégiés. Certains pourraient
voir cela comme un échec, une tentative ratée, qui prétend à aider ceux qui en
ont besoin; d’autres y croiront fermement, puisqu’en ayant accès à une partie
de la vie de ces futurs chefs de grandes compagnies, l’éthique enseignée
impactera des centaines de futurs salariés et leurs familles.
Cependant,
cela n’est plus suffisant. Grâce à une bonne amie, et un groupe de Chrétiens,
j’ai eu l’opportunité d’accompagner six autres femmes, et de rendre visite à la
section néo natale d’un hospital.
C’est
là que j’ai rencontré Bébé Linda, et elle était à moi pour deux heures
entières, ce matin.
Tu
vois, Linda est née il y a quelques jours, du mauvais côté, du côté gauche.
Née
d’une mère anonyme, qui a dû se briser le coeur à quitter Linda car elle
n’était pas mariée et cela n’est pas acceptable ici. Peut-être qu’elle n’a
simplement pas les moyens de s’occuper de son enfant, ou peut-être pour
d’autres raisons…
Par
contre, elle l’a nommée “Linda”, ou “Belle” en Espagnole et pour cela, elle a
bien choisi.
En
général, les bébés pleurent pour exprimer beaucoup de choses: la faim, la
frustration, la contrariété ou juste pour se faire câliner. Quand je suis
passée le long du côté gauche du couloir, regardant ces huit bébés orphelins,
je l’ai entendu pleurer.
Aussitôt
qu’elle a entendu la voix d’une personne et a senti des bras autour d’elle,
elle s’est arrêtée.
L’air
complètement surprise par cette voix, cette chaleur, ces bras et elle s’est
calmée, en sentant la peau de mes bras.
Son
instinct lui a même donné envie de se tourner vers mon bras et d’essayer de
manger, comme l’ont fait mes deux enfants quand ils avaient son âge.
Quand
on voit Linda, on pourrait penser qu’elle devrait être du bon côté, à droite,
là où les bébés sont placés en attendant le retour de leurs parents.
Linda,
c’est un poulet fabuleux, la tête couverte de cheveux, avec un petit corps de
nouveau-né. Si l’on se perd dans le bleu nuit de ses yeux ronds, un prisme
s’ouvre et fait penser à tellement de choses, dont ses propres enfants.
Donner
le bain à Linda, caresser ses cheveux, la rassurer quand elle est allongée sur
le dos car (comme tous les nouveaux nés qui viennent de voir le jour) elle a
l’impression de tomber en arrière si on ne tient pas ses mains, tout cela m’a
rappelé des moments précieux avec mes deux boubous.
Changer
sa couche, lui mettre de la crème sur son siège pourpre, coiffer ses cheveux,
l’embrasser alors qu’elle buvait son biberon, cela vous fait vous poser
plusieurs questions: Qu’aurais-je fait, si j’avais grandi dans un environnement
culturel et financier si terribles que je n’aurais pas pu garder mon enfant?!
Une
des autres pensées concerne le temps. Que va-t-il se passer à 11 heures? Est-ce
que je dois juste partir? Quitter Linda et ces orphelins car ils ont été
abandonnés? Comment pourrais-je partir? Mais que pourrais-je faire d’autre?
Rien.
Tu ne peux rien faire. Tu ne peux pas l’adopter ou la prendre chez toi car
c’est illégal.
Tu ne
peux pas y retourner le lendemain pour ramener plus d’ équipements du côté
gauche. Ces bébés, à quelques jours de vies, ressentent déjà la dichotomie
qu’on inflige à ceux qui n’ont pas eu la chance de naitre à droite!
Alors
voilà, tu ne peux pas sauver le monde. Tu as eu la chance d’avoir deux heures,
et maintenant tu rentres chez toi.
Linda,
je le souhaite, va grandir ces prochains jours et se fortifier, et elle aura
peut-être droit à une place dans un orphelinat. Peut-être que sa mère viendra
la chercher demain. Peut-être que Linda va se battre et arriver à passer de
l’autre côté, avec un peu d’aide…..
Pendant
deux heures, Linda a été aimé comme si je l’avais mise au monde.
J’emporte
son petit sourire en moi et chez moi. Linda ne mérite pas d’être là où elle
est; je peux presque l’entendre pleurer ce soir, du bout de ce couloir en cul
de sac, du côté gauche.
D’une
certaine façon, j’espère la voir saine la prochaine fois, mais d’une autre,
j’espère qu’elle trouvera un "chez elle" d’ici là.
Lorsque
l’on nait, sans le savoir, le destin nous a préparé un chemin.
Si tu
lis ce blog, il est fort probable que tu sois né(e) du côté droit, c’est-à-dire
du bon côté, ou alors tu t’es battu pour passer du mauvais côté pour finalement
arriver à vivre à droite.