Monday 18 April 2016

"Mon" bébé Linda

le 16 avril 2016.

Lorsque l’on nait, sans le savoir, le destin nous a preparé un chemin.
Si tu lis ce blog, il est fort probable que tu sois né(e) du côté droit, c’est-à-dire du bon côté, ou alors tu t’es battu pour passer du mauvais côté pour finalement arriver à vivre à droite.

Il y a quelques années, quand j’imaginais mon arrivée sur le continent Africain, je me voyais devenir volontaire pour des oeuvres caritatives. Peut-être à cause de cette culpabilité blanche inconsciente, ou du fantôme des dégats de la colonization, occasionnés par ”mes” compatriotes, je me suis toujours vue partir pour aider, pour reconstruire, pour soutenir les autres. Etre bienveillante et aider mon prochain est quelque chose qui me tient à coeur, et grandit au fil du temps.

Or, avec le temps et avec la façon dont la vie se déroule, je suis finalement arrivée en Afrique pour enseigner aux enfants privilégiés. Certains pourraient voir cela comme un échec, une tentative ratée, qui prétend à aider ceux qui en ont besoin; d’autres y croiront fermement, puisqu’en ayant accès à une partie de la vie de ces futurs chefs de grandes compagnies, l’éthique enseignée impactera des centaines de futurs salariés et leurs familles.

 Dessin pour les enfants de l'hopital.

Cependant, cela n’est plus suffisant. Grâce à une bonne amie, et un groupe de Chrétiens, j’ai eu l’opportunité d’accompagner six autres femmes, et de rendre visite à la section néo natale d’un hospital.

C’est là que j’ai rencontré Bébé Linda, et elle était à moi pour deux heures entières, ce matin.
Tu vois, Linda est née il y a quelques jours, du mauvais côté, du côté gauche.
Née d’une mère anonyme, qui a dû se briser le coeur à quitter Linda car elle n’était pas mariée et cela n’est pas acceptable ici. Peut-être qu’elle n’a simplement pas les moyens de s’occuper de son enfant, ou peut-être pour d’autres raisons…
Par contre, elle l’a nommée “Linda”, ou “Belle” en Espagnole et pour cela, elle a bien choisi.

En général, les bébés pleurent pour exprimer beaucoup de choses: la faim, la frustration, la contrariété ou juste pour se faire câliner. Quand je suis passée le long du côté gauche du couloir, regardant ces huit bébés orphelins, je l’ai entendu pleurer.
Aussitôt qu’elle a entendu la voix d’une personne et a senti des bras autour d’elle, elle s’est arrêtée.
L’air complètement surprise par cette voix, cette chaleur, ces bras et elle s’est calmée, en sentant la peau de mes bras.
Son instinct lui a même donné envie de se tourner vers mon bras et d’essayer de manger, comme l’ont fait mes deux enfants quand ils avaient son âge.



Quand on voit Linda, on pourrait penser qu’elle devrait être du bon côté, à droite, là où les bébés sont placés en attendant le retour de leurs parents.

Linda, c’est un poulet fabuleux, la tête couverte de cheveux, avec un petit corps de nouveau-né. Si l’on se perd dans le bleu nuit de ses yeux ronds, un prisme s’ouvre et fait penser à tellement de choses, dont ses propres enfants.

Donner le bain à Linda, caresser ses cheveux, la rassurer quand elle est allongée sur le dos car (comme tous les nouveaux nés qui viennent de voir le jour) elle a l’impression de tomber en arrière si on ne tient pas ses mains, tout cela m’a rappelé des moments précieux avec mes deux boubous.
Changer sa couche, lui mettre de la crème sur son siège pourpre, coiffer ses cheveux, l’embrasser alors qu’elle buvait son biberon, cela vous fait vous poser plusieurs questions: Qu’aurais-je fait, si j’avais grandi dans un environnement culturel et financier si terribles que je n’aurais pas pu garder mon enfant?!

Une des autres pensées concerne le temps. Que va-t-il se passer à 11 heures? Est-ce que je dois juste partir? Quitter Linda et ces orphelins car ils ont été abandonnés? Comment pourrais-je partir? Mais que pourrais-je faire d’autre?

Rien. Tu ne peux rien faire. Tu ne peux pas l’adopter ou la prendre chez toi car c’est illégal.

Tu ne peux pas y retourner le lendemain pour ramener plus d’ équipements du côté gauche. Ces bébés, à quelques jours de vies, ressentent déjà la dichotomie qu’on inflige à ceux qui n’ont pas eu la chance de naitre à droite!

Alors voilà, tu ne peux pas sauver le monde. Tu as eu la chance d’avoir deux heures, et maintenant tu rentres chez toi.

Linda, je le souhaite, va grandir ces prochains jours et se fortifier, et elle aura peut-être droit à une place dans un orphelinat. Peut-être que sa mère viendra la chercher demain. Peut-être que Linda va se battre et arriver à passer de l’autre côté, avec un peu d’aide…..

Pendant deux heures, Linda a été aimé comme si je l’avais mise au monde.
J’emporte son petit sourire en moi et chez moi. Linda ne mérite pas d’être là où elle est; je peux presque l’entendre pleurer ce soir, du bout de ce couloir en cul de sac, du côté gauche.

D’une certaine façon, j’espère la voir saine la prochaine fois, mais d’une autre, j’espère qu’elle trouvera un "chez elle" d’ici là.

Lorsque l’on nait, sans le savoir, le destin nous a préparé un chemin.
Si tu lis ce blog, il est fort probable que tu sois né(e) du côté droit, c’est-à-dire du bon côté, ou alors tu t’es battu pour passer du mauvais côté pour finalement arriver à vivre à droite.



Saturday 16 April 2016

My Baby "Linda"

April 16th, 2016, Tunis.

Pour la traduction en Français, cliquez ici.

When you were born, without you knowing it, fate gave you a path.
If you read this blog, the chances are you were born in the right row or you fought your way from the other one, on the opposite side, the left row, also known as the wrong row.

A few years ago, when I was younger, I always dreamt of setting foot on the African continent as a volunteer. Perhaps because of the unconscious white guilt and the ghost of colonization from my countrymen, I envisioned myself as one of those people who go to Africa to rebuild, or to support others. Being helpful and supportive have always been traits that I meant to develop, meaningfully and over time.
Yet, as time passed and life got busy, I set foot onto the Continent to teach privileged students. One could see it as a failure, as a mere attempt to pretend that this is humanly meaningful; others might firmly believe that this may be the best attempt, as you have an opportunity to mold a part of the soul of future leaders, that will take main decisions and affect hundreds.

Drawing for the orphans.....

But it isn’t enough anymore. Thanks to a good friend here, and thanks to the good will of a Christian Church group, I was able to accompany six other ladies, to visit the neonatal section of a hospital.

This is where I met Baby Linda, and she was mine, for two full hours, this morning.
Linda, you see, was born a few days ago, on the wrong side, the left side.
Born from an anonymous mother, who may have had to wrench her heart and leave Linda behind, because she wasn’t married and the community would simply not accept her. Perhaps she simply does not have the means to support her, or many other reasons could explain it.
Yet, she did name her “Linda”, or “beautiful” in Spanish, and that she did well.

As we all know, babies cry for many reasons - hunger, frustration, problems, or simply for attention. When I walked past Linda, looking at the eight babies on the left row, I heard her cry.
As soon as she heard someone and felt arms around her, she stopped. She looked dumbfounded by this voice, this warmth, she calmed down and felt the skin of my arm. Her instinct made her start to try to eat from my arm, the same way my children did a few years ago…


When you first glance at her, you would think that she should be on the right side, the side of the newborn babies whose families will come and pick up within the next few hours.

Linda is a sweet “poulet”, with a lot of dark hair and a tiny little body. When you lose yourself in the prism of her dark blue, many thoughts come back to your mind, your children’s is the first one.

Bathing Linda, caressing her hair, reassuring her when she lays on her back and has the reflect of grabbing onto you, because she is still used to the womb and feels like she is falling backwards, all those reminded me of my own boubous.
Changing her nappy, creaming her bright rash, dressing her, combing her hair, kissing her as she drinks a bottle, all these bring you to think of your own children: What if you had had to make such a decision with your children? If you lived in such cultural or financial environments, that you couldn’t cherish this part of your heart?.

The next thought flutters, this time it is about TIME. What happens when 11AM comes? Are you just walking away? Leaving Baby Linda, alone again, and those other “abandonned” babies?
How can you do that? What else can you do?

Nothing, you can’t do anything. You cannot adopt her or take her home, because it is illegal.
You cannot come in tomorrow, and bring more equipment, destined to be used for the left sided baby. These babies already feel the dichotomy between being wanted and having care, and being rejected and simply lying there, in solitude.
So there, you cannot save everybody. You had two hours and now you will go home.

Linda will hopefully grow, and be strong, hopefully enough to go to an orphanage. Perhaps, her mother will come and pick her up this week. Perhaps, Linda will work her way to the right side, with some help.

For those two hours, Linda was loved as if I had birthed her.
I take her little smile to my house and heart. Baby Linda doesn’t deserve to be where she is; I can almost hear her cry right now, from that dead-end corridor, on the left side.
A part of me hopes to see her healthy next time, another hopes she will have found a home and comfort before I come back.

When you were born, without you knowing it, fate gave you a path.
If you read this blog, the chances are you were born in the right row or you fought your way from the other one, on the opposite side, the left row, also known as the wrong row.